Année : | 2019 |
Réalisé par : | Mats Grorud |
Durée : | 1 h 20 |
A partir de : | de 9-10 ans à adulte |
Nous sommes à Beyrouth au Liban, aujourd’hui. Wardi est une jeune palestinienne de onze ans qui vit avec toute sa famille dans le camp de réfugiés où elle est née. Sidi, son arrière-grand-père adoré, fut l’un des premiers à s’y installer après avoir été chassé de son village en 1948. Le jour où Sidi lui donne la clé de son ancienne maison en Galilée, Wardi craint qu'il ait perdu l’espoir d’y retourner un jour. Comment chaque membre de la famille peut-il aider, à sa façon, la pette fille à renouer avec son passé et l'espoir d'un retour au village ?
Quelle belle ouverture avec ce ciel et ces oiseaux qui s'envolent dans l'horizon. C'est un regard ouvert sur le monde alors même que la caméra nous fait découvrir le quotidien d'un groupe d'écoliers. Ils sont, dès cette première scène, encadrés, comme enfermés dans une ville où se superposent et s'entassent les maisons, des habitats précaires, qui pourtant résistent encore....
Comment raconter la guerre, la mort, et surtout la perte d'un pays qui reste comme un horizon lointain mais si déchirant pour des générations ? Avec la jeune Wardi, nous sommes plongés au coeur du questionnement, comme de l'espérance. Il s'agit pour cette adorable gamine de ne jamais renoncer, même lorsque tout le monde autour d'elle semble fatigué ou désabusé. Vaillante, curieuse, elle sent bien que les livres et l'éducation sont bien plus importants que des gadgets tels les IPhone. Elle a à coeur d'apprendre et de comprendre ce monde dans lequel elle vit. Nous sommes dans une ville particulière, il s'agit un camp de réfugiés palestiniens qui, au fil des années, s'est transformé en ville. Une ville qui se déploie tel un labyrinthe, mais en hauteur : chaque nouvelle génération construit son étage (le titre original est "The Tower", qui signifie "la tour" et désigne la maison familiale de Wardi). Ce sont des maisons faites de bric et de broc, parfois en ciment, souvent en tôles. Elles sont modestes mais pleines de vie, comme cette maman avec ses gamins un peu chamailleurs. Dans ce dédale, Wardi grimpe, saute, escalade. Agile parmi ces maisons suspendues au ciel, elle chemine dans ce labyrinthe architectural, comme dans les souvenirs de sa famille. Chaque maison renferme une espérance brisée, un renoncement, mais aussi une histoire extraordinaire dans laquelle nous sommes invités à plonger. Telles des portes mémorielles, nous parcourons des pans de l'histoire de l'exil des palestiniens qui, dès 1948, ont dû quitter leur terre pour trouver refuge au Liban, comme la famille de Wardi.
Le récit déroule le passé tel un album de famille. Nous découvrons d'ailleurs de vraies photos avec les visages de ces femmes et hommes, jeunes et adultes. Ils sont le réel des personnages animés, et l'animation donne vie et paroles à celles et ceux qui composent ce grand récit de l'exil palestinien. Le réel s'invite dans la fiction animée. Nous passons de l'animation aux photographies qui nous dévoilent toute une vie précieusement gardée. C'est dire combien la trace est ici vitale, elle permet de relier les générations, contre l'oubli et la disparition. C'est parce que le réalisateur Mats Grorud a lui-même vécu dans le camp de Bourj el-Barajneh, où il travaillait dans une école maternelle, qu'il a compris l'importance de mêler à l'animation, le réel des photographies comme des reportages télévisuels, afin de nous permettre de découvrir en profondeur l'Histoire. Non pas comme un livre du passé, mais comme un présent toujours là.
Et parmi eux, nous retrouvons l'autre héros du film, l'arrière-grand-père de Wardi, Sidi. Il est comme un guide, bien plus âgé et bienveillant, et sait que son heure va bientôt venir. La figure du grand-père est absolument bouleversante car elle est ce qui relie le présent au passé, mais aussi à l'avenir. Lui qui a connu la catastrophe sait combien l'avenir scolaire de sa petite-fille est la chose la plus importante. Lorsqu'il lui donne la clé de sa maison perdue en Palestine, ce n'est pas seulement le poids d'une histoire qu'il lui transmet, c'est aussi une trace, une racine, une clé qui permettra à Wardi d'ouvrir toutes les portes du monde. Le déracinement ne concerne pas seulement la perte d'une terre d'origine, c'est surtout celui de ne pas connaitre son histoire. Toutes les histoires, même celles qui sont douloureuses, doivent être racontées, car il s'agit de comprendre pour avancer. Toute nouvelle vie est porteuse d'espérance, même et surtout là où tout semble si dur, car la vie est plus forte que le malheur, la jeunesse est le présent et l'avenir de l'humanité. Lorsque les oiseaux emportent au ciel le grand-père apaisé, c'est aussi pour Wardi le moment d'avancer dans la vie, avec courage. Ce récit de toute beauté, ancrée dans un contexte précis, est universel par son message d’amour. L'amour de son arrière-grand-père n'est pas perdu, il vibre en elle, son héritage est son présent.
Cinéma jeune public et ciné-club. Films de qualité depuis 1926.