Année : | 1958 |
Réalisé par : | Jacques Tati |
Durée : | 1 h 50 |
A partir de : | 6-7 ans |
Nous sommes à la fin des années 50. Monsieur Arpel vit avec sa femme et son fils dans une maison très moderne, équipée de gadgets technologiques absurdes et inutiles mais qui font sensation auprès des invités. Le frère de Madame, Monsieur Hulot, est un homme d'un autre temps, très différent d'Arpel, rêveur, sans emploi et maladroit. Pour l'occuper et l'éloigner de son fils qui aime bien jouer avec son oncle, Monsieur Arpel lui trouve un travail dans une usine...
Mon Oncle est un film entre deux mondes : l'ancien, dans lequel vit Monsieur Hulot, et celui qui s'amorce à la fin des années 50 et qui commence à faire de l'ombre au premier. Monsieur Hulot est le passeur, celui qui ne refuse pas la modernité, mais qui se sent quand même plus à l'aise dans son petit quartier populaire, épargné par les transformations urbaines, où tout le monde se connaît et où les gens se parlent. D'ailleurs, le film adopte le rythme lent de la vie à la campagne. Le burlesque de Jacques Tati n'a rien à voir avec le burlesque hollywoodien au rythme endiablé de la première moitié du vingtième siècle. L'appel au rire est moins frappant, plus subtil. Avec Mon Oncle, le temps s'étire et les terrains vagues se multiplient entre les anciens et les nouveaux quartiers. Dès le générique de début, le film apparaît dans sa dimension architecturale. Mon Oncle s'ouvre sur un chantier de travaux publics. Sur les panneaux où est normalement présenté le projet en cours de construction, nous pouvons lire les noms des personnes principales ayant participé à la réalisation du film. L'aventure cinématographique est collective et humaine. A une époque où l'industrialisation est vue essentiellement comme un progrès, Mon Oncle se propose d'interroger ce qui fait le bien être et le bonheur dans la société. Il replace ainsi l'homme et plus précisément les relations humaines au centre des regards. Mais il ne faut pas oublier que Jacques Tati est un cinéaste burlesque. Mon Oncle, son troisième long métrage après Jour de fête et Les Vacances de Monsieur Hulot n'a donc rien d'un film moraliste. Au contraire, il caricature aussi bien les citadins superficiels et ridicules, à la pointe de la modernité, que les habitants bons vivants, bavards et excessifs de ce quartier aux allures de village, à la différence qu'il s'y prend avec un peu plus de tendresse pour ces derniers. Les villageois apparaissent dans ce film beaucoup moins individualistes que les citadins. D'un côté, il y a la vie, de l'autre, la vie s'efface derrière un décorum absurde lié à la nouvelle société de consommation. Les seuls à rester les mêmes quel que soit leur cadre de vie, ce sont les enfants qui ne désirent qu'une seule chose : s'amuser. C'est dans cette dimension ludique, dans cette soif de liberté, que le cinéma burlesque et l'enfance se retrouvent. Monsieur Hulot, par sa maladresse et son innocence met en lumière les dysfonctionnements d'objets qui ont été conçus sans penser à leur usage pratique, mais les gags mis en scène rendent aussi ce superflu poétique et amusant. Le superflu n'est donc pas aussi inutile qu'il y paraît, c'est le propre de l'art, qui s'adresse aussi bien aux sens qu'à l'esprit. Mon Oncle est le premier film de Jacques Tati à exprimer de manière aussi explicite son goût pour la forme, le design, l'architecture moderne, ce qui ne l'empêchait pas d'être conscient des dangers de déshumanisation et d'individualisme que cette tendance comportait. Jacques Tati n'était-il pas visionnaire à sa manière?
Cinéma jeune public et ciné-club. Films de qualité depuis 1926.