Année : | 1996 |
Réalisé par : | Jacques Doillon |
Durée : | 1h37 |
A partir de : | de 8 ans à adulte |
Ponette, quatre ans, se retrouve à l’hôpital, le bras cassé, après un accident de voiture où sa mère a trouvé la mort. Après l’enterrement, son père, qui travaille à Lyon, la confie à sa tante, à la campagne, chez qui elle retrouve ses cousins Mathias et Delphine. Ponette ne se résout pas à la mort de sa mère et cherche obstinément un moyen de lui parler, de la faire revenir.
Ponette est un film hors norme. Expérience unique dans l’histoire du cinéma qui fait entièrement reposer un film extrêmement dialogué sur les épaules d’une enfant de quatre ans, présente à tous les plans, et de surcroît un film sur le deuil de la mère. Pari fou, pari réussi car Jacques Doillon a un don rare : celui de savoir filmer des enfants, c’est-à-dire filmer avec eux, les considérer à l'égal des adultes comme de véritables acteurs qui interprètent un rôle, qui travaillent pour cela. Il tourne Ponette après plus de vingt longs métrages dont un certain nombre consacrés à des personnages d’enfants et d’adolescents (Un sac de billes, Les Doigts dans la tête, Le Petit criminel, Le jeune Werther, La Drôlesse...). Il sait faire advenir la vérité des enfants et la filmer pour la mettre au service de son projet artistique.
Montrer Ponette à des enfants peut paraître délicat du fait de son thème : comment une enfant de 4 ans peut-elle faire le deuil de sa mère ? Ponette est avant tout un film sur la croyance et c’est ce point en particulier qui est « délicat », car aborder la religion est aussi vecteur d’inquiétude. Autour de Ponette, beaucoup d’adultes croient en un dieu, clairement chrétien. Ponette, elle, en quoi croit-elle ? Simplement dans le retour de sa mère. Elle attend. Elle a besoin de ce temps d’attente où elle cherche son propre chemin, avant de retourner dans la vie. Le film de Jacques Doillon est un conte, c’est ce qui le rend visible par les enfants, car il conserve une part de mystère dans laquelle chacun d’entre eux pourra y glisser son interprétation, sa propre croyance.
C’est de surcroît un film bienveillant. Bienveillant dans sa réalisation, Ponette a été tourné avec de très jeunes enfants (entre 4 et 7 ans) dans un respect absolu de ses jeunes acteurs (à voir sur ce point le magnifique film de Jeanne Crépeau Jouer Ponette, (Canada, 2006, 90 min)), et à partir d’un scénario constitué de dialogues entièrement composés à partir de la parole des enfants, recueillie lors du gigantesque travail de casting auquel le film à donné lieu. Ainsi Victoire Thivisol (prix d’interprétation polémique au festival de Venise (1996) pour son rôle de Ponette) s’adresse à Marie-Hélène Encrevé, psychologue présente sur le plateau tout au long du tournage, après la séquence du cimetière : « Tu ne t’inquiètes pas, c’est des larmes de film. »
Bienveillant aussi envers ses spectateurs, c’est-à-dire qui veut du bien à ses spectateurs au sens étymologique de ce qu’est le bien : qui possède une valeur morale, ce qui est juste et honnête. Chacun a déjà ressenti ce sentiment de révolte et de déni face à la mort d’un être proche, ce sentiment de l’impossible, de l’indicible, de folie. « Arrête de faire ta folle » dit son père à Ponette, il la tire violemment par le bras pour l’arracher à son entêtement mutique à croire au retour de sa mère. Il sait qu’elle n’a besoin que d’une chose : trouver sa vérité. En restant vrai lui-même, il peut l’aider.
Ponette ne devrait donc pas être un film qui fait peur. Il est essentiel d’accompagner les enfants dans leurs questionnements sur la mort et la religion. L’art nous permet de le faire.
Cinéma jeune public et ciné-club. Films de qualité depuis 1926.